Personnellement tout a commencé il a 10 mois environ sur les pistes de Méribel pendant une compétition de ski corpo où je participais. D’habitude nous restons plutôt concentré sur les courses d’autant qu’à Méribel se déroulent les épreuves de vitesse sur la fameuse piste olympique de descente du Roc de Fer. Là où quelques semaines plus tôt, Marie Marchand-Arvier monte sur le podium de la descente comptant pour la Coupe du monde. Mais pour une fois il a trop neigé, il faut donc attendre que la piste soit à nouveau praticable. En attendant les participants s’amusent en groupe dans la poudreuse et font plus ample connaissance.
C’est comme ça que je rencontre Yohan Goutt Goncalves membre d’un ski club rival et petit à petit la conversation prend une tournure étonnante : Yohan me confie qu’il a le projet fou de participer aux prochains Jeux Olympiques de Sotchi. La compétition se déroulant sur plusieurs jours, j’apprends à mieux connaître ce doux illuminé d’autant que nous continuerons notre conversation dans la voiture qui nous ramènera dans la vallée où je le déposerai à la gare de Moutiers.
Dix mois plus tard je le rencontre à nouveau dans une agence de communication parisienne une fois sa qualification pour les jeux acquise.
En effet, l’agence n’est pas de trop pour caler les nombreuses interviews que le jeune skieur de 19 ans originaire de Suresnes dans la banlieue parisienne donne maintenant avec aisance sur les différents plateaux : 20h de TF1, BFM, RMC Moscato, Europe 1, France 3, Canal Plus, AFP,…
Pourquoi et comment Yohan a-t-il fait pour que son rêve de participer aux JO d’hivers devienne réalité ? Probablement car c’est une histoire de famille. Né d’un père français, sa maman vient de beaucoup plus loin, du Timor Oriental, un petit pays au nord de l’Australie qui existe officiellement depuis 2002, date de son indépendance.
L’amour du ski et de son pays d’origine feront bouger des montagnes à Yohan Goutt et à sa famille. Le travail de fond a commencé il y a 5 ans afin de créer la Fédération de Ski du Timor Oriental puis de l’affilier à la FIS (Fédération Internationale de Ski, l’organisme officiel régissant le sport, ainsi que le classement listant les engagés aux JO). Sa maman, s’occupant de la partie administrative, Yohan commence dès l’âge de 12 ans à participer aux compétitions de ski. Il me confie ainsi qu’il a de la chance d’avoir une mère exceptionnelle.
Ce n’est qu’en 2013 et peu après notre compétition à Méribel que Yohan met les bouchées doubles en termes d’entraînement. Il rejoint une petite structure hétéroclite composée de différents coureurs d’origines très diverses : Irlande, Serbie, Grèce, Belgique. Le coach de la joyeuse petite bande, Alex Vitanov est de Macédoine.
L’été il part faire ses premières courses FIS de l’autre côté de l’hémisphère en Australie. Il ne lui reste plus que quelques mois afin de rentrer dans les points et inscrire son nom sur la liste olympique comprenant les 2000 meilleurs skieurs de la planète. Débute un long périple qui le fera voyager ensuite vers l’Autriche, la Turquie, la Serbie, l’Iran où Yohan fera les perfs nécessaires pour être engagé en slalom. Même s’il préfère le géant, il n’a pas eu le temps de s’y qualifier et préfère se concentrer sur une seule discipline.
Cet été avec le team, Yohan a travaillé le fond de sa forme physique avec la musculation et l’hiver il travaille plutôt le cardio et la souplesse. La technique des piquets, en plus du temps passé sur la piste, il la retravaille en regardant et en analysant les vidéos juste avant de dormir afin de mieux s’approprier la bonne gestuelle.
Côté matériel, Yohan bénéficie d’une aide venant d’un magasin de ski en Autriche, pays où il a appris à skier et où il a fait ses premiers entrainements avec le club de ski d’un certain Benjamin Raich, le Race Center. Il affûte et farte lui-même ses skis sous la direction du coach.
Voilà Yohan sur les traces d’autres grands rêveurs qui ont aussi matérialisé ce graal du ski alpin, on pense notamment à Samir Azzimani, le skieur franco-marocain qui a participé aux JO de Vancouver et qui devrait rejoindre cette année Yohan en Russie malgré une récente opération pour soigner une hernie discale. D’ailleurs ils l’ont l’air de bien se connaître et les paris sont lancés sur Facebook.
Au contraire de certains skieurs qui ont parfois frôlé le ridicule, le but de Yohan est justement de montrer qu’on peut représenter un petit pays tout en skiant à un bon niveau même si les chances de médaille sont très lointaines. Il sera peut-être quelques secondes derrière les meilleurs, mais sûrement pas des dizaines de secondes ou des écarts énormes comme cela a parfois été le cas.
Yohan se dit très fier de représenter les initiales de son pays pour la première lors de jeux d’hiver : TLS. Il veut montrer que ce pays existe, que les gens puissent le situer sur une carte. Cette démarche lui a déjà beaucoup apporté car Yohan sait qu’il a mûri notamment au contact des nombreuses personnes rencontrées lors de ses voyages. Yohan a appris à mieux se connaître, à s’adapter : il sait de quoi il est capable.
L’après Sotchi, il y a déjà pensé. Yohan voudrait continuer sa progression afin de rentrer dans les 500 meilleurs mondiaux. Cela lui permettra de participer aux courses de Coupe d’Europe, l’antichambre de la Coupe du monde. En attendant je lui souhaite de grands jeux, plein d’étoiles dans les yeux lorsqu’il défilera en tant que porte drapeaux et seul athlète de son pays lors de la cérémonie d’ouverture. Normalement juste à côté d’une autre nation, celle avec le plus de participants tels Mikaela, Bode, puisque les pays défilent dans l’ordre alphabétique. Les Jeux, terres de contrastes et d’incroyables histoires qui nous feront toujours rêver. Merci à toi Yohan, maintenant à toi de jouer !
Le tout nouveau site web de Yohan vient de voir le jour : http://yohangoncalvesgoutt.com
Texte et photos : Alexandre Mornard ©
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